La créance de salaire différé en 5 questions
Dans les familles d’agriculteurs, il est très fréquent que les enfants soient amenés à un moment ou un autre à travailler au sein de l’exploitation familiale, sans percevoir de rémunération en contrepartie.
Le législateur, afin d’en tenir compte, a instauré la créance de salaire différé à l’article L 321-13 du code rural et de la pêche.
Le principe directeur est de rétablir par une créance forfaitaire un équilibre entre les enfants.
Quelles sont les conditions pour bénéficier de la créance de salaire différé ?
Plusieurs conditions sont à remplir pour pouvoir bénéficier de la créance de salaire différé. Elles sont au nombre de quatre :
- être soit descendant (enfants, petits-enfants) ou conjoint du descendant du chef de l’exploitation ou de l’associé exploitant au sein d’une société dont l’objet est l’exploitation agricole. Il est également possible pour le conjoint survivant d’obtenir une créance de salaire différé, notamment en cas de mariage sous le régime de la séparation de biens.
- être âgé de plus de 18 ans ;
- avoir participé directement et effectivement, c'est-à-dire de façon non occasionnelle, aux travaux de l'exploitation.
- ne pas avoir reçu de rémunération en contrepartie du travail effectué ni être associé aux bénéfices et aux pertes de l’entreprise ou de l’exploitation.
Si le descendant est marié et si son conjoint participe également à l'exploitation, chaque époux est réputé bénéficiaire d'un salaire différé calculé comme ci-dessous.
Bien sûr, il faudra prouver que ces conditions sont remplies. La charge de la preuve incombe au demandeur pour obtenir le règlement de la créance de salaire différé lors de la succession.
Il peut par exemple fournir une attestation de la Mutualité Sociale Agricole indiquant que le demandeur a bien été déclaré comme aide familial durant la période concernée.
Il est également possible de communiquer des témoignages de la famille, des attestations de la mairie et des relevés bancaires qui permettront de justifier de ces conditions.
Il faut toutefois souligner que le logement, la nourriture ou l’argent de poche fournis au descendant correspondent tout au plus à l'exécution de l'obligation d'entretien et alimentaire des parents.
Ils ne s’opposent donc pas à la mise en œuvre de la créance.
A quel moment cette créance est-elle réglée ?
Suivant les dispositions du premier alinéa de l'article L. 321-17 du Code rural et de la pêche maritime, la créance de salaire différé n'est exigible qu'au jour du décès de l'exploitant dans le cadre du règlement de sa succession.
Cependant, ce dernier peut volontairement, de son vivant, régler le bénéficiaire de ses droits de créance, notamment lors d'une donation-partage à laquelle il procéderait.
Le créancier peut ainsi être désintéressé à deux dates distinctes.
Le règlement peut donc tout d'abord intervenir du vivant de l'exploitant, à tout moment, et notamment à l'occasion d'une donation-partage. Ceci n’est qu’une faculté pour l’exploitant et non une obligation.
En d'autres termes, l'ascendant exploitant ne peut pas être contraint au paiement de la créance de salaire différé, laquelle n'est exigible qu'à son décès. L’exploitant qui veut réaliser une donation-partage, peut ainsi profiter de cette occasion pour y intégrer le règlement du salaire différé.
L’acte contenant alors le règlement de la créance comprend deux parties : une partie relative le montant du salaire différé (créance) et une partie qui comprend la transmission à titre gratuit. Donc, le descendant reçoit sa part de la donation-partage ainsi que le montant du salaire différé.
De son vivant, l’exploitant peut également, en dehors de la donation-partage, procéder à un paiement en numéraire, ou par la remise d’un bien mobilier (parts sociales) ou immobilier. Ce sera alors une dation en paiement.
Enfin, à défaut, le règlement de la créance de salaire différé sera dû au moment de la succession. S’il ne reste pas suffisamment d’actifs dans la succession pour payer le salaire différé après une précédente donation et même donation-partage, les enfants non agriculteurs devront restituer ce qu’ils ont reçu. En revanche, en l’absence de donation antérieure, le montant de la créance est plafonné à l’actif successoral.
Quel est le montant de la créance de salaire différé ?
Pour les descendants
Pour les descendants, le salaire différé est égal à 2/3 de 2080 fois le montant du SMIC horaire en vigueur au moment du règlement, par an.
Toutefois, il convient de préciser que le décompte ne se réalise qu’à partir de l’âge de 18 ans du bénéficiaire.
La créance de salaire différé est en outre plafonnée à dix ans, sans exigence de continuité.
Le taux du Smic retenu est celui publié jour du règlement de la créance du vivant de l’exploitant en cas de règlement de son vivant ou celui publié au jour de son décès donc de l'ouverture de la succession, en cas de règlement lors de la succession.
Pour le conjoint survivant
Le droit de créance de salaire différé du conjoint survivant est égal à 3 fois le SMIC annuel en vigueur au jour du décès, dans la limite de 25 % de l’actif net successoral.
Quelles sont les conséquences fiscales du versement de cette créance ?
En matière de droits d’enregistrement ou droits de succession, le règlement de la créance de salaire différé ne donne lieu à aucune perception puisqu’il ne s’agit pas d’une donation mais du règlement d’une dette due par l'ascendant agriculteur à son enfant (le plus souvent). En revanche cette exonération ne concerne pas la taxe de publicité foncière due en cas d’attribution de biens immobiliers en règlement de la créance de salaire différé.
S’agissant de l’impôt sur le revenu et de prélèvement sociaux , les sommes attribuées à l’héritier de l’exploitant au titre du contrat de travail à salaire différé pour sa participation directe et gratuite à la mise en valeur de l'exploitation agricole familiale jusqu'au 30 juin 2014 sont exemptes de l'impôt sur le revenu. Cette exonération a été supprimée pour les sommes reçues à ce titre pour une exploitation après le 30 juin 2014.
De combien de temps je dispose pour faire valoir mes droits ?
Le délai de prescription pour l’action en paiement du salaire différé a été réformé par la loi du 17 juin 2008. Il a été réduit de trente à cinq ans.
Désormais, suite au décès d’un parent exploitant agricole et à l'ouverture de sa succession, le bénéficiaire d’une créance de salaire différé en qualité d’aide familial se doit de réclamer cette créance dans les cinq ans de son décès. Ce délai reste valable, même si le conjoint est toujours en vie et qu'il dispose de l’usufruit. En vertu de cette prescription dite «extinctive», l’aidant familial ne pourra plus réclamer son dû lorsqu’il laisse écouler les cinq ans sans faire valoir ses droits auprès de la succession de l’exploitant ascendant.
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